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Parcours inspirant #4 : Alain Cuvillier
27 octobre 2019
Alain Cuvillier est aujourd'hui auteur auto-édité, mais il a connu plusieurs vies, qu'il a racontées dans deux livres de témoignages. Né dans les années 1940, placé en famille d'accueil, il a vécu une enfance tragique, poignante, mais qui fait aussi comprendre ce que « résilience » veut dire.

Son parcours atypique est très inspirant pour celles et ceux qui cherchent à s'auto-éditer : il a eu recours à une association, A4PM (www.aide-autoedition.fr/), qui a déjà aidé des dizaines de personnes à concrétiser leur envie d'écrire. Cela montre que nul n'est besoin d'avoir fait des études pour mener à bien un projet d'écriture, transmettre son expérience et bouleverser les autres.

Si cela vous donne envie de lire Né un 1er avril, une blague amère, et Larguer les amarres, un concours sera lancé le lundi 4 novembre pour en gagner deux fois deux exemplaires, dédicacés par l'auteur. Ne le manquez pas !
1. Quel DéLecteur êtes-vous ?

Qui êtes-vous ?
Je suis né en 1947 à Libourne (près de Bordeaux). Dès l’âge de 14 ans, je suis allé dans un centre d’apprentissage et à 17 ans, j’ai commencé ma vie professionnelle. J’ai été salarié, commerçant, VRP, chef d’entreprise. Ma vie s’est déroulée dans l’action plus que dans les livres. J’ai eu la chance d’avoir une activité variée, tout en conservant le sentiment que les hasards de la naissance sont déterminants ; après mon passage à la retraite, c’est de cette expérience particulière que j’ai voulu témoigner.

Plutôt classique / contemporain ? Plutôt édition classique / auto-édition ?
Littérature classique, édition classique. Je n’ai pas eu la chance de faire des études supérieures, ni même d’aller au lycée : la lecture n’a jamais été au centre de ma vie. Mais j’ai été marqué par le roman de Charles Dickens, « Oliver Twist », de même que j’ai été ému par le récit autobiographique du chanteur Hervé Vilard, « L'âme seule », publié en 2006. Le chanteur, dont tout le monde connaît « Capri, c'est fini », y raconte son destin d'enfant de l'Assistance publique.
J’ai également rencontré des personnes qui comme moi, ont témoigné de leur parcours par écrit. J’ai trouvé que c’était précieux de pouvoir utiliser l’écriture pour transmettre nos expériences particulières : cela permet de contribuer à la mémoire collective, de se rendre compte que son épreuve n’est pas isolée, et aussi, de toucher d’autres personnes qui n’osaient pas parler de leur cas.

Plutôt numérique / papier ?
Mes témoignages ont été diffusés essentiellement en support papier, mais je ne suis pas hostile au numérique, qui permet à un public plus loin de moi de me lire.

2. Parlez-nous de votre livre...

Né un 1er avril... une blague amère
C'est un témoignage sur la souffrance d’un enfant confié à l’Assistance publique. Une administration rigide dont la mission est de « placer » les enfants qui leur sont confiés dans des familles d’accueil, sélectionnées avec des critères bien spécifiques. Elles ne doivent pas s’attacher aux enfants, sous prétexte qu’ils ne sont pas les leurs ! Mais parfois, le cœur prenait le dessus sur les consignes de l’administration de tutelle. La sanction était alors immédiate ; l’enfant était placé ailleurs. C’était une déchirure supplémentaire pour l’orphelin. Le risque était qu’il finisse lui-même par ne plus s’attacher pour ne pas souffrir. Son refuge était le silence et la solitude. Tout cela, je l’ai vécu et j’ai voulu en témoigner, surtout dans un monde où il continue d’y avoir des enfants maltraités, voire abandonnés, et placés dans des familles d’accueil…qui n’ont rien d’accueillant.

Comment est venue la décision d’écrire ce livre ?
Mes raisons d’écrire sont propres à l’univers du témoignage, qui n’est ni celui de la fiction (puisqu’il s’agit de mon histoire), ni celui de l’autobiographie (puisque je ne raconte pas toute ma vie, mais mon chemin en tant qu’enfant placé comme pupille de l’État). C’est un univers bien particulier. En allant à la rencontre de mes lecteurs, j’ai compris que mon témoignage pouvait aider celles et ceux qui avaient vécu la même chose, et celles et ceux qui n’osaient pas franchir le pas de parler de leur propre histoire.
C’est la consultation de mon dossier de « pupille de l’État » qui m’a décidé à écrire ce témoignage. Durant mon activité professionnelle, je ne me suis jamais préoccupé de savoir pourquoi j’avais été abandonné à la naissance. Mon esprit occultait cette période de ma vie pour ne pas rouvrir les cicatrices de cette blessure. L’oisiveté de la retraite a ouvert le tiroir des souvenirs et m’a incité à fouiller dans le passé. C’est aux archives départementales de la Gironde que j’ai découvert le dossier du « matricule 861 ». Un N° de dossier sans nom. Ce fut le choc.
Les documents et témoignages que j’ai découverts ont déclenché une confusion dans mon esprit. J’ai éprouvé le besoin de reconstituer les pièces du puzzle. De là m’est venue l’idée de le coucher sur une feuille blanche pour y voir plus clair. Une fois le puzzle reconstitué, j’ai décidé de le publier pour témoigner de la souffrance d’un enfant privé d’amour et d’affection dès son plus jeune âge. Cela a été très douloureux de faire remonter tous ces souvenirs. J’ai dû interrompre mes écrits à plusieurs reprises… le temps de retrouver mes esprits.
Au final, j’ai eu l’impression d’avoir exorcisé les démons qui m’avaient habité jusque-là. Une catharsis bienvenue pour vivre une retraite sereine.

Y a-t-il un livre, un auteur et/ou un héros de fiction qui vous a inspiré ?
Le témoignage poignant d’Hervé Vilard m’a fortement influencé pour écrire ma propre histoire. Écrire, c’est le droit à l’expression de ceux qui ont du mal à parler de leur douleur. La feuille blanche n’interrompt ni ne juge, comme peuvent le faire des interlocuteurs directs. Le monologue permet une plus grande expression de sa douleur. Une confession à soi-même…pour se rassurer.

3. L’auto-édition et vous

Pourquoi l’auto-édition ?
Pour une raison simple : n’ayant pas eu le choix de faire des études supérieures, je maîtrisais moyennement l’art de la littérature. Il me fallait de l’aide. Je n’avais ni les moyens pécuniaires ni la volonté de faire écrire mon histoire par un étranger. Mon histoire témoigne donc aussi du fait qu’il n’est pas besoin d’avoir fait des études pour écrire un livre : tout le monde peut s’y mettre, pour peu qu’on trouve le bon soutien, comme moi.

Par quelle solution d’autoédition êtes-vous passé, qu’en pensez-vous ?
La solution a été de chercher de l’aide. J’en ai trouvé grâce à une association, l’A4PM (Aide à l’Autoédition d’Auteurs de la Petite Mer et d’Ailleurs), lors d’un forum à Gujan-Mestras (bassin d’Arcachon), commune voisine de celle où je réside. Ça a été une chance extraordinaire de la connaître. C’est une structure composée d’auteurs et de bénévoles au service de la collectivité. J’invite les lecteurs à consulter le site : A4PM, aide à l’autoédition, http://www.aide-autoedition.fr/. C’est ainsi que j’ai confié mon manuscrit à l’association, qui dans un premier temps l’a soumis au groupe de lecture pour avis et corrections éventuelles. Il m’aura fallu six mois pour réécrire mon histoire afin qu’elle soit publiable. En 2015, j’ai enfin pu présenter mon livre dans des salons et faire mes premières dédicaces dans les centres culturels. Les témoignages de mes lecteurs ont tous été positifs. J’ai eu la satisfaction de me voir félicité pour ma ténacité et mon courage.
Pour remercier cette association, je me suis investi bénévolement et j’ai pris le poste d’animateur du collectif d’auteurs. Je siège également au bureau et cette année, j’ai constitué une équipe avec laquelle nous avons organisé le 5ème Salon des  "mots en liberté", pour le compte d’A4PM.

Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à un auteur qui souhaiterait se faire auto-éditer ?
Être patient et vigilant. Demander conseil, s’informer des contraintes (autogestion de tous les postes : écrire n’est pas tout, il faut aussi prendre en charge toute une chaîne de rôles que les auteurs édités n’ont pas à endosser), et rester humble. L’écriture doit être un plaisir et un partage. Et si une maison d’édition vous tend la main : prudence. Lisez attentivement les Conditions Générales et ne signez qu’en connaissance de cause. Les contrats à compte d’auteurs sont à proscrire. Ils coûtent chers et ne vous apportent rien. Si vous vous êtes rapprochés d’une association comme A4PM, vous recevez des conseils précieux de la part des autres et bénéficiez de leur expérience. C’est une aventure de solidarité collective.

4. DéjàLu et vous

Quel concours lancez-vous avec cet interview ?
J’offre à deux lecteurs les deux tomes de mon autobiographie : Né un 1er avril… une blague amère, et la suite, Larguer les amarres.
Cela représente donc quatre livres dédicacés, pour deux gagnants, ou deux tandems de gagnants.

Comment un auteur auto-édité peut-il s'appuyer sur DéjàLu.fr ?
Pour un auteur auto-édité comme pour n'importe quel lecteur ou n'importe quelle personne qui s'intéresse à ce que les autres écrivent, un réseau social littéraire est une précieuse base de travail pour connaître les goûts de ses contemporains.