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Parcours inspirant #8 : Muriel Rawolle
23 février 2020
J'ai eu la curiosité de lire Vice-Vers’Âmes, de Muriel Rawolle, parce que je suis lorraine et que son livre a obtenu un prix littéraire régional, le prix de la plume de Vair, en 2019. C'est un prix prestigieux, qui repère des talents avant tout le monde (plusieurs de ses lauréats ont ensuite eu le prix Erckmann-Chatrian ou le prix Stanislas), et Muriel Rawolle se l'est vu décerner pour le premier roman qu'elle a auto-édité !

Il n'en fallait pas plus pour me faire envie... je me suis lancée, et j'ai bien fait : j'ai littéralement dévoré ce livre en un après-midi.

Alors comment a-t-elle fait ? Je l'ai sollicitée pour le club Univers Auto-édition, et ce qu'elle nous raconte est très inspirant : elle est véritablement passée par toutes les étapes initiatiques de l'auteure qui se lance, aurait pu tomber dans tous les pièges, mais elle a su tirer parti de chaque étape. Le jour où un jury de prix littéraire l'a repérée, elle était prête ! Alors, prêts à découvrir une auteure dont on n'a pas fini d'entendre parler ?
➡➡Quelle DéLectrice êtes-vous, Muriel ?⬅⬅

Née en 1967, j’ai un parcours éclectique, du commercial à la fonction publique en passant par les études d’histoire avec une prédilection pour la période médiévale, puis le magnétisme et l’astrologie. Mes lectures sont donc aussi éclectiques. A l’adolescence, je dévore Le Bonheur des dames, mais Zola m’a quand même pas mal assommée. Conseillée par un camarade de classe, je deviens accro à Stephen King. J’ai eu ma période « aventure romance » (type Autant en emporte le vent...), ma période polar, celle où je ne dévorais que des romans historiques, puis de la science-fiction, du fantastique et la fantasy, où je suis restée bloquée puisque finalement, je suis un peu sorcière moi-même. Ce qui explique aussi que le genre littéraire dans lequel je m’exprime fait une place au fantastique, sans s’y résumer.

Mes auteurs fétiches appartiennent à l’univers de la fantasy, au sens large et sur toutes les époques : Tolkien bien sûr, que j’ai dévoré dès la sixième, la Belgariade et la Mallorée de David Eddinds, L’Assassin Royal, Les Aventuriers de la mer, Le Soldat Chamane pour ne citer que les sagas de Robin Hobb, et aussi celles de Robert Jordan, Orson Scott Card, Feist, Pierre Grimbert pour ne citer qu’eux.

Toutefois, ma bibliothèque regorge aussi de manuels d’astrologie et autres ouvrages ésotériques, de livres de développement personnel ou de psychologie.

Ma lecture du moment : Femmes qui courent avec les loups de Clarissa Pinkola Estès, Histoires et mythes de l’archétype de la femme sauvage.

Il m’arrive aussi de lire des auto-édités à l’occasion d’échange entre nous sur les salons, quant au format, je suis définitivement accro au papier. Je suis taureau, j’ai besoin de toucher...

➡➡Faites-nous entrer dans votre univers d'écrivain !⬅⬅

Vice-Vers’Âmes est un cadeau de mes anges gardiens. On ne rit pas s’il vous plaît, je suis très sérieuse et j’en suis persuadée. Il s’agit de mon cinquième roman, mais le premier avec lequel j’ai osé me lancer. La trame, un essai sur la réincarnation (à l’époque où je l'ai écrit, je pratiquais moi-même des régressions dans mes vies antérieures sous auto-hypnose), comme les personnages et le titre sont arrivés comme une évidence au cours de ma méditation matinale en réponse à une demande d’inspiration formulée deux jours plus tôt.

Le livre évoque l’évolution de la condition féminine, du langage, des mœurs, mais aussi de l’environnement, au travers d’une histoire originale : Samuel est un jeune étudiant prétentieux, machiste et coureur de jupons de notre époque. Au cours d’une fête, Jasmine, celle qu’il convoite pour la soirée, le repousse. Vexé, il accepte d’avaler un ecstasy. Allergique à l’un des composants, il se retrouve en état de mort imminente, au cours duquel il est propulsé en 1851 dans le corps de l’une de ses vies antérieures, celui de Clémence, une jeune bourgeoise atteinte du syndrome de Tourette, et vice-versa bien sûr.

➡➡Ce livre, auto-édité, a déjà reçu une ample reconnaissance…⬅⬅

Oui, et c’est même par un concours de synchronicités incroyables qu’il a reçu un prix littéraire réputé des Vosges, le prix de la plume de Vair, décerné chaque année par la ville de Mandres-sur-Vair, depuis 1987 (https://www.mandressurvair.fr/fr/prix-litteraire-la-plume-de-vair.html). Au cours de son écriture, je retrouve « par hasard » dans le train, un vieil ami devenu journaliste dans la presse locale. Nous convenons de nous revoir autour d’une table. Quelques mois plus tard, je lui offre un des exemplaires papier que je viens de recevoir. Le livre lui plaît, il m’honore d’un article, lequel est repéré par l’un des membres du jury du prix de la plume de Vair, qui me contacte pour me proposer de concourir et que l’ouvrage remporte.

Cette récompense a été un véritable coup de pouce tant pour le livre que pour mon évolution personnelle. Entendre le président du jury parler d’une lecture originale et jubilatoire a été un peu comme une libération, car j’avais un gros souci avec cette fameuse légitimité de l’auto-édité qui aujourd’hui, grâce à cette reconnaissance, ne m’handicape plus en dédicace. Sur les salons, je suis bien plus à l’aise, et le bandeau rouge interpelle, c’est sûr. Il me permet aussi de présenter plus facilement aussi mon premier tome de fantasy, Sur les chemins de la Rouelle, finalement sorti en septembre 2019 après une bonne centaine de réécritures.

➡➡C’est génial d’avoir reçu une telle reconnaissance en étant auto-éditée : parlez-nous plus amplement de votre expérience !D’abord, pourquoi l'auto-édition ?⬅⬅

Tout simplement parce j’avais tenté l’édition traditionnelle avec mon premier roman et que je n’avais pas envie de repasser par là. Les refus auraient pu me décourager tout à fait d’être lue un jour. Mais je m’amuse tellement en écrivant que je me dis que si je ne trouve pas, cette fois encore, d’éditeur, je me lancerai dans l’auto-édition afin que d’autres puissent s’amuser autant que moi. D’autant plus que les retours de mon entourage et de mes bêta-lecteurs sont plus que positifs.

Pour l’anecdote, je décide de tenter quand même une maison d’édition, dont la ligne éditoriale me semble convenir. Je me lance, l’éditeur répond dans le quart d’heure qui suit à mon mail « Merci, mais votre projet ne correspond pas à notre ligne éditoriale ». Il y a un petit message perso sous le refus : « Un conseil, changez votre titre, il n’est pas vendeur. » C’est cette petite phrase qui me décide : mon titre, j’y tiens, ce sera donc l’auto-édition !

➡➡A quoi tient le destin… alors par quelle solution êtes-vous passée ?⬅⬅

Par le « je fais tout moi-même, toute seule, comme une grande ». En effet, au départ, je m’intéresse un peu à toutes ces plateformes qui proposent leurs services en ligne pour vous éditer, mais je trouve leurs tarifs prohibitifs, et je veux garder le contrôle. Je pourrais passer par Amazon, mais j’ai envie d’essayer de faire sans. Je décide donc de chercher un illustrateur, puis un imprimeur. En fonction du format, du nombre de pages, du grammage, tant du papier que de la couverture, les tarifs changent, il faut tout comparer, mais du coup, le formatage est à revoir… et faire coller le nombre de pages imposé par l’imprimeur à la taille du texte, en jouant sur la mise en page, les interlignes, les marges, la police et le reste, c’est plus que chronophage ! Surtout quand on découvre qu’à la numérotation, entre les statistiques et celles mentionnées sur le document, il y a un bug et que dix pages sont passées à la trappe. Il faut donc tout recommencer, les devis ne sont plus les mêmes. Enfin bref, c’est un travail de titan…

Inutile de préciser que c’est chronophage, épuisant et onéreux. Surtout quand on est perfectionniste, du moins pour le support papier.

En outre, une fois que le bébé est là, il faut le vendre et même quand on a été commerciale, ce n’est pas évident au début. Je décide de m’inscrire sur Simplement Pro (https://simplement.pro/), une plateforme qui met en relation auteurs et blogueurs : pour les auteurs auto-édités, c’est très précieux, car les chroniqueurs présents les lisent volontiers. Je fais cela histoire d’avoir quelques avis sur Babelio, Booknode et Cie pour faire connaître mon livre : c’est là que je commence à avoir des retours positifs.
Ce sont ces retours qui m’ont fait franchir le pas d’Amazon : en effet, ils sont bons, mais avec la solution que j’ai adoptée, mon livre n’est pas présent en ligne autrement que sur mon site personnel. Dès lors, j’ai beau faire des efforts pour le faire connaître, c’est très difficile pour des lecteurs de le trouver et de se le procurer. Je me résous donc à en faire une version numérique sur Amazon. C’est assez facile et on peut facilement transformer son livre numérique en version brochée pour, au moins, être présent sur ce site marchand.

Mais même après tous ces efforts, ce n’est pas fini, surtout que je m’aperçois qu’il reste des fautes, certaines, monstrueuses ! Alors, j’ai beau faire, auto-éditée, je ne me sens pas légitime. Les librairies me claquent la porte au nez ; sur les salons locaux, le public n’est pas forcément dans la tranche d’âge de l’ouvrage et la crise économique est passée par là...

➡➡Malgré tout, pour vous, les choses ont bien tourné. Alors quels conseils cela vous inspire-t-il pour des auteur.e.s qui souhaiteraient se faire auto-éditer ?⬅⬅

Je trouve qu’il y a un paradoxe dans cette question : se faire auto-éditer ??? « Faire » est en trop;) : ou on se fait éditer, ou on s’auto-édite, mais on ne se fait pas auto-éditer !

De toutes les pistes que j’ai suivies avant d’être repérée par le jury du prix de la plume de Vair, je tire l’enseignement qu’il est important de bien choisir sa solution d’auto-édition, et ce, qu’on ait l’objectif d’être édité ou de se faire un nom en tant qu’indépendant : vouloir l’indépendance jusqu'au bout, c’est aussi peiner à être visible. Mais aujourd’hui, je pense que je privilégierais une plateforme telle que Librinova qui me paraît tout à fait adaptée à ce type de projet, mais qui à l’époque ne me parlait pas. J’ai compris que chez Librinova ou une autre plateforme, j'éviterais le sentiment d'être seule et sans aide, avec la peur de me planter et de me retrouver avec 400 livres sur les bras sans savoir comment faire pour les écouler... En tout cas, le conseil que je donnerais à un futur auto-édité : la persévérance ! Mais aussi celui de Boileau : Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément. Hâtez-vous lentement ; et, sans perdre courage, vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage : polissez-le sans cesse et le repolissez ; ajoutez quelquefois, et souvent effacez.

Rien n’est plus vrai à mon sens, mais faites-vous relire de nombreuses fois, pas par des amis, mais par des gens qui ne vous connaissent pas et qui n’auront aucun état d’âme à vous faire part de leur ressenti sur vos écrits. Dans un premier temps, j’étais tombée sur Cocyclics, un site où poster des extraits de ses textes pour se faire corriger par un collectif d’auteurs des littératures de l’imaginaire et bien sûr, corriger soi-même les autres. Ça m’a bien aidée, mais le cadre était trop rigide pour moi, notamment avec le code couleur imposé des corrections. Et comme pour se faire corriger un roman en entier, c’est plutôt le parcours du combattant et que j’ai sympathisé avec un membre du site, nous nous sommes corrigés mutuellement… Ensuite, en 2013, j’ai créé le site J’écris, tu écris ? Corrigeons-nous ! (http://corrigeons-nous.e-monsite.com/) permettant de se faire lire et corriger gratuitement par le biais d’un échange de bons procédés.

Au total, l’enchaînement de circonstances qui ont mené mon livre au prix de la plume de Vair peut apparaître comme une succession de hasards heureux, mais elle n’aurait jamais été possible si je ne l’avais pas préparée en rendant le livre facilement disponible et en cherchant à le faire connaître sur les sites de lecture. Sans cela, j’aurais eu beau avoir tous les amis journalistes du monde, ils n’auraient pas pu parler facilement du livre, et le jury du prix n’en aurait pas entendu parler…

➡➡Et DéjàLu.fr : comment ce réseau peut-il être mis au service du parcours d’un auteur auto-édité pour se faire connaître ?⬅⬅

J’ai découvert Déjàlu.fr via un post sur les réseaux sociaux. C’est un site très convivial dans son interface et assez innovant puisqu’il favorise les échanges avec d’autres acteurs du secteur du livre et réunit des groupes de lecteurs via la possibilité de créer un club. Je salue en particulier celui dédié à l’auto-édition. Cette idée de permettre aux auteurs auto-édités de raconter leurs parcours afin que d’autres puissent profiter de leur expérience ou donner envie de les lire est tout simplement géniale. Un grand merci à son administratrice, Marceline Bodier, lorraine comme moi ;).

Qu'en pensez-vous ?