Chârulatâ

(Zulma)
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Riche brahmane, Bhupati n'a nul besoin de se mêler des affaires du monde. Il consacre pourtant sa vie au journal anglophone et progressiste qu'il a fondé. Accaparé par son travail, il délaisse sa femme, la belle et jeune Chârulatâ. Entourée de domestiques, maintenue dans la désinvolture de l'enfance, Chârulatâ s'ennuie.
Son mari confie à son cousin Amal, étudiant qu'il héberge, le soin de la distraire par des cours particuliers. Traditionnellement acceptée dans la société indienne, cette intimité avec le jeune beau-frère prend peu à peu un tour passionné. Ensemble ils partagent leur envie d'écrire sans être lus.
Pendant ce temps, le naïf et probe Bhupati affronte l'adversité, on le spolie, son beau-frère en tête. Il lui faut déposer le bilan.
Amal part en Angleterre étudier le droit et manifestera dès lors à Chârulatâ tous les signes de la désaffection. La très exclusive Chârulatâ découvre l'ampleur de sa passion pour le jeune homme, tandis que son mari, rendu par la force des choses au gynécée, mais ignorant encore l'étendue de sa défaveur, se met pour lui plaire à lire de la littérature et à écrire.
Tagore montre admirablement l'évolution des sentiments et, de facto, la transformation des rapports : de l'enjouement gracieux de Chârulatâ à la passion dévoratrice, puis au désenchantement dans son «temple de chagrin», de l'insouciance du jeune homme jusqu'à sa découverte fascinée et manoeuvrière des sentiments qu'il inspire.
Chârulatâ scandalisera la bonne société bengalie à sa parution, au tout début du XXe siècle. On admire aujourd'hui, outre une lucide critique des moeurs, la très subtile tension érotique dans la peinture de personnages qui se cherchent avec autant d'innocence que de perversité, et, plus singulièrement, les rapports clandestins, rarement explorés, entre séduction et littérature.

Poète, romancier, dramaturge, musicien, acteur, peintre, Rabindranath Tagore (1861-1941) obtient le Prix Nobel de littérature en 1913.
Tagore avait 39 ans quand il écrivit Chârulatâ. Plusieurs de ses biographes ont vu dans ce court roman le souvenir des relations que le jeune Rabindranath avait eues avec la femme d'un de ses frères aînés. Elle n'avait que sept ans de plus que son beau-frère dont elle partageait les goûts littéraires. Elle se suicida à l'âge de 25 ans, quelques mois seulement après le mariage du poète.
Après «Quatre chapitres» (Zulma, 2004), «Chârulatâ» est le deuxième roman inédit de Tagore traduit en français par France Bhattacharya.
Satyajit Ray en réalisa un chef-d'oeuvre cinématographique en 1964.
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