Des plumes et du goudron

(Fayard)
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Avec ses bottes, ses chemises sombres et son art de lancer sa sacoche sur son bureau en entrant dans la classe, il ressemble à un sheriff. C’est ce qu’il voulait. Il attend le moment opportun pour dégainer le coup de gueule, s’efforce de viser juste avec ses sanctions. Ainsi règne un semblant d’ordre parmi les vingt-huit apprentis apaches de CM1 dont il a la charge. Mais est-ce vraiment son métier ? Qu’en est-il de la transmission du savoir ? De la lecture et du calcul ? De la conjugaison ? De l’éducation civique ? Réduits au silence par ceux qui ne pensent qu’à chahuter, certains de ses élèves n’ont-il pas envie d’apprendre ? Et ceux-là mêmes qu’il doit toujours avoir à l’œil, que cache leur goût du vacarme, qu’exprime leur violence toujours prête à éclater ? De septembre à juin, le maître en apprend autant que ses élèves. Voyages scolaires, réunions de parents, répétitions en vue du spectacle de fin d’année, visite d’un écrivain : les occasions ne manquent pas de confronter à la pratique les principes pédagogiques prescrits par les ministères. On ne lui a jamais expliqué, à l’Institut Universitaire de Formation des Maîtres, comment découvrir l’enfant derrière celui qui joue au dur. Réconcilier avec les mots celui qui ne parle jamais. Réconforter celui qu’accable le divorce de ses parents. Semaine après semaine, le sheriff tâche de laisser de plus en plus en plus souvent ses armes au vestiaire. Un jour, qui sait, il pourra même troquer ses bottes contre d’inoffensives tennis...
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