La place forte

(Gallimard)
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Entre l'heure à laquelle je fus nominé ministre des Finances et l'instant de ma démission, six jours se sont écoulés. Je suis parti du ministère à pied, en catimini, alors que la nuit couvrait encore d'un voile sombre la capitale ensommeillée. Ce jour-là, si l'on m'avait retrouvé, si l'on m'avait forcé à justifier mon départ, j'aurais certainement invoqué des raisons politiques. J'aurais parlé de mon désaccord profond avec le président de la République. J'aurais fait étalage de ma colère, j'aurais évoqué mon amertume face au gouvernement qui, gangrené par le cynisme, cherchait alors à sortir la France de l'Union européenne. Disant cela, j'aurais tu l'essentiel. J'aurais passé sous silence l'amour que je portais à un être perdu, le malaise, les tensions qui n'ont cessé de me traverser durant ces six jours, le moule rigide dans lequel je n'ai pas su entrer. Aujourd'hui, je n'ai plus droit au beau rôle. Après quatre années de réflexion, je souhaite prendre le temps de relater ce qui m'a vraiment poussé à dire adieu au pouvoir.
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