Le Cheval blanc d'Uffington

(Le Mercure de France)
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'Je ne voulais plus penser à cette histoire d'amour qui n'avait pas eu lieu, parce que son évocation glissait entre moi et moi une lame si tranchante que je pouvais encore en être meurtrie. Je ne savais que faire de cet objet. L'ignorer ? C'était désormais possible dans la vie, mais si je me mettais à raconter une histoire, ça l'était moins. À presque chaque tournant je butais contre lui, si bien que sur mon parcours, le rencontrant sans cesse et sans cesse l'évitant, je finissais par dessiner comme une forme en creux. Au fond, je tournais autour de son corps. Et le corps de mon amour était si gigantesque qu'il me faisait rire. Il était comme celui de Gulliver autour duquel se déploie, armé, tout un petit peuple effrayé et fasciné, ou comme le cheval blanc d'Uffington dessiné par les Celtes à même la montagne, et couvrant une telle distance que ce n'est pas de la terre qu'on peut le voir, mais en avion seulement. Aller d'une église à l'autre - choisir ces flèches comme repères -, c'était aller de la pointe de son épaule à son coude puis de son coude à sa main et ainsi de suite, si bien que d'une certaine manière le corps de mon amour recouvrait la terre. Son visage souriant regardait en l'air.'
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