Le jour où Malika ne s'est pas mariée

(Juillard)
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Qu'ils soient restés au pays ou partis à l'étranger, les jeunes Marocains, déchirés entre traditions et modernité, sont mal dans leur peau. Dans ces nouvelles tragiques ou cocasses, Fouad Laroui met en lumière le dur combat qu'ils doivent mener pour que leurs rêves d'émancipation ne soient pas broyés sous la chape de plomb de la réalité.

À Casablanca, par une chaleur écrasante, un groupe de jeunes gens désœuvrés refait le monde à la terrasse du café de l'Univers. La moindre rencontre – un passant excentrique, un touriste égaré – est prétexte aux échanges de palabres, souvenirs réels ou légendes colportées. Un dispositif narratif astucieux d'où va naître une série de récits pétris d'humour et d'autodérision, reflétant les aspirations profondes des jeunes Marocains. Mais sous l'ironie et l'apparente légèreté des propos, pointe aussi le constat désespéré d'un avenir sans issue, ou d'une nostalgie incurable pour ceux qui ont choisi l'exil. À Rotterdam, Jaafar s'est parfaitement intégré à la vie occidentale. Sans rompre avec sa famille, il a su se libérer du poids des traditions marocaines. Il est libre, moderne et ouvert. Alors pourquoi subit-il un tel choc en découvrant sur l'écran de son téléviseur le spectacle de Saddam Hussein surpris dans sa cache et délogé comme un rat par les soldats américains ? Jafaar hait Saddam Hussein de toute son âme et, pourtant, quelque part, sans qu'il comprenne pourquoi, l'humiliation du dictateur est devenue la sienne ; à bord d'une embarcation remplie de clandestins, Lahcen espère devenir enfin " quelqu'un ", passé le détroit de Gibraltar. Pris dans une tempête et voyant ses chances de réussite s'amenuiser, il délire, tente de marcher sur les eaux et meurt noyé ; dans un village marocain, l'administration scolaire impose aux parents d'élèves l'achat d'un protège-cahier d'une couleur indéfinissable. Un débat houleux divise la région sur la couleur bounni, au point de donner naissance à deux formations politiques opposées ; Ahmed, étudiant en France, amoureux complexé d'une jeune fille aux mœurs délurées, compense son postérieur quasi inexistant par la superposition de plusieurs slips. Lorsqu'il trouve la mort dans une explosion accidentelle, la police prend son accoutrement pour un signe d'appartenance au réseau d'Al Qaïda... Au Maroc comme ici, les causeries intellectuelles au café du coin sont de tradition séculaire. Empruntant au conte philosophique le ton de la critique faussement candide, les narrateurs attablés interrogent avec drôlerie la morale de chaque anecdote relatée. Et s'aperçoivent que là où règnent l'injustice et le non-sens, seuls l'art et le plaisir de raconter des histoires peuvent encore ordonner le monde.
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